perfect wedding ♂♀

J&C


« ... Et voilà la troisième formule pour votre mariage. Si vous choisissez le tout compris, notre agence s'occupera du traiteur, de la décoration, du placement des invités et de l'animation ainsi que de la musique, et vous n'aurez plus qu'à voir si notre travail vous satisfait. »

Un grand sourire sur les lèvres, les cheveux parfaitement bouclés autour de son visage charmant et plusieurs classeurs ouverts devant elle, Charlie discutait paisiblement avec un tout jeune couple qui souhaitait se marier. Elle adorait son travail, aussi simplement que certains aiment le chocolat. Elle aimait voir l'union de deux personnes - qu'elle espérait pures jusqu'à la nuit de noces - et surtout, elle aimait tout organiser, tout diriger d'une main de fer dans un gant de velours. Et en l'occurrence, ce jeune couple avait réellement besoin que quelqu'un prenne les rênes pour éviter la catastrophe des deux belles-mères ennemies à la même table - cas dévastateur mais pourtant facile à éviter. Elle attendit que le couple fasse son choix, signe le dossier et parte pour respirer un peu. Elle allait devoir travailler beaucoup sur le cas de ce mariage. Le budget du couple était assez restreint, et la future mariée semblait un peu trop difficile pour que Charlie seule arrive à la convaincre d'accepter un traiteur low cost. Elle avait besoin d'un coup de main, et pour cela, quoi de mieux que l'aide de son associé, Jayden ? Elle lui laissa un petit mot sur son bureau, en espérant qu'il le voit, indiquant l'heure à laquelle elle aimerait le rencontrer pour plancher sur ce cas épineux.


Nob Hill Bar & Grill ; 15h11.


Charlotte croulait sous ses dossiers. Il faut dire qu'après s'être entretenue longuement avec la futur mariée au téléphone, elle avait bien comprit que cette dernière s'attendait à un banquet orgiaque avec un budget particulièrement pauvre. Ce défi était franchement insurmontable toute seule. Elle ne pouvait pas trouver un traiteur bas prix parfait sans perdre de la qualité sur le service, elle ne pouvait pas arranger la décoration sans mettre à mal l'animation... Un peu excédée, elle poussa la porte du Nob Hill Bar & Grill avec un pied, avant de se poser sur une table proche du bar. Elle soupira avant d'aligner parfaitement les différents dossiers sur la table. L'unique bémol avec son associé, c'était sa vision un peu... spéciale.

Parfois, Charlie se demandait pourquoi ils travaillaient ensemble. D'un côté, la pieuse vierge à souhait, et de l'autre, le gars enchaînant les coups d'un soir... C'était tellement contradictoire ! Mais elle était forcée de constater qu'en binôme, ils faisaient des merveilles, et que les plus beaux mariages d'Albuquerque naissaient de leur collaboration. Bien sûr, leurs différences menaient parfois à des débats sur la religion, l'éthique et le bien-fondé de l'Eglise, et Charlie essayait toujours vainement de convertir Jayden à son idée du christianisme. Heureusement que leurs débats ne nuisaient pas à leur collaboration... Charlotte ôta son gilet de laine rose et le posa sur le bord de sa chaise, avant de se diriger vers le bar, ses talons claquant avec légèreté sur le sol carrelé.

« Est ce que vous pourrez me prévenir quand ça sera quatre heures trente ? J'ai oublié ma montre, et ça sera l'heure de ma prière. »

La requête de Charlie fit hausser un sourcil au barman, mais il accepta sans broncher. Elle retourna à sa place, commença à feuilleter ses notes. Elle ne se détacha de son boulot que lorsqu'elle sentit une ombre pesante au dessus d'elle - Jayden. Elle lui décrocha son plus grand sourire, se leva et lui fit la bise.

« J'ai eu peur que tu n'aies pas vu mon mot, mais manifestement, tu l'as reçu. Comment vas-tu ? »

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J&C


Jayden avait pourtant essayé d'être silencieux. Quittant la chambre sur la pointe des pointes pour ne pas réveiller la délicieuse rouquine qui dormait à ses côtés. Il ne savait déjà plus de son prénom, mais étant donné que cela ne les avait pas empêché de passer une nuit de folie cela n'avait guère d'importance. Lui qui n'était même pas sorti pour draguer avait une fois de plus fait des ravages. A peine entré dans le bar il s'était fait offrir bon nombre de verres. Il avait trouvé cela assez drôle de voir deux cougars se crêpaient le chignon pour savoir laquelle allait lui mettre le grappin dessus. Surtout qu'au final, ni l'une ni l'autre n'avait réussir à l'attraper dans leur filet. Il avait en effet rapidement remarqué une rousse incendiaire le déshabillant du regard. Et n'étant pas du genre à refuser quoique ce soit à une belle femme, il l'avait raccompagné chez elle où il s'était fait un plaisir de satisfaire ses demandes, même les plus audacieuses.
Le réveil avait cependant était bien moins agréable. Passé le moment de perplexité -quelques verres dans le nez lui faisait souvent se demander où il se trouvait à son réveil. Il avait vitre compris la situation et comme à son habitude, il avait fait en sorte de vivre prendre le large avant d'avoir à expliquer, que oui c'était bien un coup d'un soir, et que non il ne comptait pas la rappeler. S'en suivait alors, au choix ou parfois même au fur et à mesure, des hurlements contenant un chapelet de jurons plus qu'inspirés, des menaces de morts avec le thème de la castration revenant de façon récurrente et d'autres lancés de vase... Certaines priaient même pour son âme, celles-là le faisait toujours flippé, lui donnant l'impression de rencontrer une copie de Charlie. Il sursauta en entendant un bruit derrière lui, et il eut juste le temps de se décaler avant qu'un vase ne vole dans sa direction. « Connard. Tu es un vraiment un salop. » Il s'arrêta, se retournant pour lui faire face. Il s'adossa au chambranle de la porte avec un air nonchalant, avant de lui servir son sourire le plus moqueur. « Venant d'une femme qui a trompé son mari ça me fait bien rire. » Il jeta un regard éloquent à la bague que la jeune femme portait à l'annulaire. A quelle tristesse, voilà une scène qui briserait le cœur à sa chère associée. Elle pour qui les serments du mariage était une parole sacrée. Il profita qu'elle se soit figée pour s'échapper au plus vite de là.


Nob Hill Bar & Grill ; 15h11.


Il arriva tranquillement au bar, vérifiant une dernière fois que son haleine sentait plus la menthe que le whisky de la veille et, qu'il avait bien caché les marques dans son cou. C'est dingue comme il avait l'impression d'être un mari fautif lorsqu'il rejoignait Charlie. Mais bon, il était bien obligé d'effacer les traces de sa vie 'dissolue' car sinon il allait avoir le droit à une de ses interminables leçons de moral, barbante et assommante à souhait. Non mais franchement, comme s'il avait envie de changer. Il aimait sa vie comme elle était. Un séducteur sans attache, et donc sans souci. La seule chose dont il avait à s'inquiéter était des garçons tournant autour de sa Georgie chérie. Mais bon, il arrivait à faire fuir même les plus tenaces. Pas question qu'un indélicat brise le cœur de sa nièce adorée. Heureusement, vu son expérience de dom juan il savait parfaitement les repérer et les faire décamper. Car s'il y avait bien deux choses qu'il prenait au sérieux, c'était le bien-être de Georgie et son travail. C'est pour cela que dès qu'il avait vu le mot de Charlie, il avait filé en direction du bar. Il sourit en la voyant assise avec sa pile de dossiers, totalement indifférente aux regards posés sur elle. Il lui rendit son sourire et lui retourna sa bise.

« C'est la première chose que j'ai vu en arrivant. Hé bien , je vais très bien, en pleine forme. Et toi ? Ce mariage ne te prend pas trop la tête ? »

Il tenta de réprimer le rire qui menaçait de lui échapper en songeant à la tête que ferait Charlie, s'il lui racontait les détails de sa nuit torride, et si en plus il lui disait que c'était avec une femme mariée. Un sourire en coin lui échappa tout de même. Alors qu'il respirait un bon coup pour reprendre son sérieux, il sortit de son sac, les différentes choses dont ils pourraient avoir besoin.

« Si tu savais ! » fit-elle en roulant des yeux, suite à la remarque de Jayden. « Je n'ai pas pour habitude de critiquer de chastes personnes telles que la mariée, mais sur ce coup-là, elle m'embête vraiment. J'ai passé la moitié de ma pause repas à lui téléphoner pour répondre à ses exigences farfelues. »

Charlie soupira. Une charge de travail importante les attendait, et elle voyait bien dans les cernes de Jayden qu'il n'avait pas dû passer la nuit à jouer au Scrabble paisiblement comme l'avait fait Charlotte. Et si il n'était pas frais comme un gardon, il serait moins efficace, et si il était moins efficace, les mariés n'allaient pas être contents, et si ils n'étaient pas contents, la renommée de l'agence allait en pâtir. Elle ne dit cependant rien. L'heure était plutôt solennelle - ils allaient enfin pouvoir commencer ! - et elle n'avait pas envie de se faire taquiner sur sa foi à toute épreuve. Au moins, elle, elle avait des valeurs ! Elle attendit patiemment que Jayden déballe ses affaires, et après coup, sortit plusieurs modèles de faire-parts.

« Tu te rends compte ? » lança-t-elle en disposant proprement les cartons sur la table « Un mariage low cost. C'est stupide ! A ton mariage, n'es-tu pas censé avoir la plus belle soirée de ta vie, peut importe le prix ? Je ne comprendrais jamais cette manie de tout vouloir le moins cher possible. C'est tellement peu... catholique ! »

Charlie en profita pour sortir les numéros des traiteurs les moins chers qu'elle avait trouvé - même si elle ne s'occupait que peu de fois de cette partie du mariage. Elle était plutôt décoration et placement des invités que gestion des cuisines. Et puis devoir tester le menu, c'était parfait pour ne plus rentrer dans sa robe préférée - celle qu'elle mettait chaque dimanche, pour aller à la messe. Elle jeta un bref coup d'oeil à Jayden avant de soupirer avec lourdeur et de planter ses yeux noisette dans ceux du wedding planneur. Si il ne s'était pas remis complètement de sa nuit, ça ne servait à rien qu'il vienne...

« Combien de coeur brisé, cette nuit ? » demanda-t-elle en sous-entendant bien "mais quand vas-tu te poser une bonne fois pour toutes ?

Ca l'énervait particulièrement de savoir que son associé - censé être organisateur de mariage bon Dieu ! Vendeur de rêves ! - avait des relations hors mariage. C'était purement et tout simplement un comportement qui mériterait une interdiction d'accéder au Paradis, et, Charlie ne comprenait pas comment on pouvait sacrifier sa place à côté du Divin pour quelques femmes - ou pires, hommes ! - qu'on oublie dès que l'alcool s'est estompé. Purement et simplement stupide. Alors que Jayden était un homme avec un très bon goût, et il semblait à Charlie qu'en dehors de ses problèmes de boissons, de manque de foi évident et d'aventures d'une nuit, il était un jeune homme respectable.

« Je ne comprends toujours pas pourquoi tu t’octroies de telles pauses détente... »

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Chaste personne ?! Ah bon sang Charlie était vraiment rafraichissante. Il n'y avait qu'elle pour voir une petite emmerdeuse comme une chaste personne. Franchement, la future mariée devait avoir consommé depuis longtemps et son mari ne devait être que le énième à en profiter. Charlie était vraiment adorable.

« Exigence farfelue ?! A ce point là. Elle veut quoi, des perroquets qui dansent la samba ?! » Jayden était vraiment curieux de savoir quelles demandes elle avait pu faire. Après tout, Charlie était la patience même, et se faisait toujours un plaisir de satisfaire les exigences de ses clients. Cela devait être une sacrée emmerdeuse pour qu'elle vienne même à bout de Charlie. Il sentait déjà les migraines qu'il allait devoir supporter. Quoique peut-être qu'il arriverait à raisonner la mariée. Ce ne serait pas la première qu'il caresserait de le sens du poil, afin de la rendre plus raisonnable.

« Un mariage low cost ?! Je suis d'accord c'est d'un ridicule. Tant qu'à se laisser piéger par le mariage autant voir les choses en grand. En fait, elle prévoit déjà peut-être que le mariage ne tiendra pas longtemps et économise pour se payer un très bon avocat. » Il adorait dire ce genre de choses. Cela avait le don de faire enrager Charlie. Et le plus drôle c'en qu'en parfaite petite catholique politiquement correcte, elle ne se permettrait jamais de se mettre en colère. Comme à son habitude, elle allait juste se mettre en colère. La provoquer était un jeu dont il ne se lasserait jamais. Surtout qu'il n'avait rien de difficile à faire ; juste être lui-même était suffisant. Il n'eut pas à réfléchir à ce qu'il pourrait lui dire pour l'agacer un peu plus, car elle lui tendit une perche qu'il ne put refuser.

« Tu veux vraiment savoir ? Hé bien, cela dépend de quel point de vue tu te places. Du mien aucun puisque je ne mens jamais à mes conquêtes sur mes intentions, mais il est évident que je n'y peux rien pour les dommages collatéraux. Ça ne serait pas constructif que je leur demande s'ils sont casés ou pas... » Il avait bien insisté sur le 'mes intentions'. On pouvait le traiter de tout, sauf de menteur. Jamais il n'avait caché à qui que ce soit être un dragueur compulsif, presque à la limite de la nymphomanie selon certaines personnes. Il ne voyait pas de mal à flirter -et plus si affinités- avec quelqu'un qui lui plaisait et à qui il plaisait. Tant que la personne était majeur, le reste n'avait pas d'importance. Le Paradis et tout les conneries dans le même genre le laissaient complètement indifférent. Pour lui, il n'y avait qu'un tour de piste, ensuite on était juste mort ; ni plus ni moins.

« Parce que le reste du monde ne tourne pas autour de la foi, et que mes conquêtes sont ravis que je les aide à se détendre de toutes les manières imaginables, et Dieu sait à quel point j'ai de l'imagination...» Il fixa intensément Charlie, avec un regard provocateur signifiant 'vas-y réagis à mon blasphème !'.

Son sourire s’agrandit lorsqu’il vit son air abasourdi. Il était toujours ravi de voir que bien qu'elle le connaissait depuis un moment, il arrivait encore et toujours à provoquer chez elle ce mélange entre choc, incrédulité et déception. Honnêtement à quoi s’attendait-elle ?! Elle ne pensait tout de même pas qu’il allait subitement se réveiller un matin en croyant à toutes ces conneries ?! Il laissa échapper un ricanement narquois en voyant la moue méprisante qu’elle n’avait pu retenir. Bien ! Au moins malgré sa ‘foi’, elle avait des réactions normales ! C’était certainement stupide de s’entêter à la provoquer encore et toujours, mais il ne l’aurait pas fait si elle n’était pas à ce point piéger par sa foi. Car, elle n’était pas la seule personne qu’il côtoyait qui était croyante, mais elle était la seule à vivre sa foi de cette manière. Elle avait beau trouver sa manière de vivre irresponsable, il trouvait la sienne malsaine. Elle se privait de tellement de choses. Il se demandait comment on pouvait vivre ainsi sans envier les autres. Selon lui, il était évident qu’elle finirait par avoir des regrets. Il haussa les épaules avec désinvolture face à son regard assassin et ne put s'empêcher de rire quand elle prit son air suffisant ; ressemblant à un de ses parents voulant faire entendre raison à un enfant récalcitrant.

« T’es sérieuse en plus, je crois que c’est ça le pire. Parce que c’est sûr que les guerres, les crises financières, la déforestation, le réchauffement climatique et autres choses tout aussi joyeuses amènent à croire en Dieu. Le pire dans tout ça que s’il existe réellement, alors il fait vachement mal son boulot ! »

Non mais franchement, si lui-même faisait aussi mal son boulot, cela ferait longtemps qu’on l’aurait foutu à la porte, et ça sans ménagement. Il soupira en avisant son air pincé, comprenant que ce n’est pas demain la veille qu’il lui ferait entendre raison. Mais, il était buté, ainsi il ne perdait pas espoir d’un jour lui ouvrir les yeux. Qu’elle continue à croire en Dieu si ça lui chante, mais qu'elle s'ouvre tout de monde à certaines choses !

« Parce que tout simplement je ne crois pas au Paradis. Pour moi, on meurt ni plus ni moins. Il n’y a rien après la mort ! »

Le Paradis avec son repos éternel et ses petits angelots, quelle bonne blague !
« S’il n’y a que ça pour te faire plaisir ! » Il ne put cependant pas résister à une dernière provocation lorsqu’elle parla du ‘Tout-puisant. « Je pensais pourtant que le Tout-Puissant pouvait accomplir des miracles. Quelle déception ! » Il avait prit un ton très ironique, montrant à quel point il croyait en ‘ses miracles’. Il repprit cependant tout son sérieux lorsqu’elle évoqua à nouveau le travail. Peu importe ce que Charlie pouvait penser de lui, il prenait son travail au sérieux et le ferait toujours avec application. « Il va falloir lui parler. On ne peut pas réaliser l’impossible. Si elle veut qu’on arrive à avoir ces deux buffets avec un tel budget, il faudra alors qu’elle fasse des concessions sur autre chose. Peut-être pourrait-on lui montrer les prix de précédents mariages low cost pour qu’elle voie ce qu’on peut réellement faire avec un tel budget... » Il leva les yeux au ciel lorsqu’elle affirma à nouveau que la mariée était vierge. Il était clair qu’elle était aussi vierge que lui était moine. Il tentait vraiment de ne garder à l’esprit que les détails concernant le mariage, mais c’était tellement tentant de répondre, et de la voir à nouveau prendre son air offusqué.