© emilie de ravin @ TUMBLR
Alyssia Haley Kerner

Installée confortablement au fond du canapé moelleux de son petit appartement d’étudiante, la jeune Kerner plia ses jambes tout contre elle et attrapa une feuille blanche et un support. Stylo en main, elle le mâchouilla quelques secondes, pensive. La pièce était silencieuse, et c’était le moment parfait pour faire ce dont elle avait eu envie tout au long de la journée : écrire à son frère. A peine cinq minutes après être rentrée de cours, elle s’était lovée dans le canapé. Prête. Téléphone éteint, elle ne tenait pas à être déranger. Pour quoi que ce soit. Par qui que ce soit. Après quelques secondes de réflexion, la pointe de son stylo-plume commença à crisser sur sa page.

Le 3 juin 2011.

Cher Bowie,

Ferme les yeux… S’il te plaît, ferme les yeux, et oublie tout. Oublie ces dernières années, reviens en arrière… Encore plus en arrière que cela, je sais que tu peux le faire. S’il te plaît… Pour moi. Te souviens-tu ? Te souviens-tu de nos plus belles années ? Quand maman nous amenait au parc, toi, Jade et moi, que nous jouions pendant des heures et des heures dans le sable comme les trois enfants insouciants que nous étions ? Nous étions si bien, toi, avec ton petit pull marin que maman affectionnait tant, Jade et moi, avec nos horrible robe à fleur… Nous étions beaux, innocents. Heureux. Je ne dis pas que nous ne sommes plus heureux maintenant mais avoue qu’aujourd’hui … C’est différent. Nous n’avions pas une vie parfaite. Nous n’étions pas très riches, maman faisait le travail ingrat de bonne à tout faire pour une riche famille –même si cette famille était charmante, certes, et papa… disons simplement que papa était là, sans vraiment être là. Ils se disputaient tout le temps d’ailleurs à ce sujet. Te souviens-tu ? Maman lui reprochait de ne pas assez s’investir. De ne pas être présent pour nous, à défaut d’être présent pour elle. Lui se contentait de lire son journal tout en sirotant son whisky premier prix. « S’investir »… A cette époque, on se regardait tous les deux, ignorant ce que ce mot voulait dire. Et puis finalement, en grandissant, nous avions fini par comprendre.

Quand papa a fini par quitter la maison, j’avais dix ans. Toi, avec tes quatre ans de plus, tu avais pris maman dans tes bras, l’avait serré tout contre toi. Je me souviens de ce jour. Tu portais encore un pull marin d’ailleurs… Je crois que maman aurait aimé naviguer. Mais elle ne l’a jamais fait. Dire qu’elle nous répétait sans cesse de « Rêver notre vie en couleur ». C’était, selon elle, le « secret du bonheur ». Est-ce que tu crois, toi, qu’elle à rêvé sa vie en couleur ? Moi non. Car maman n’était pas heureuse, et même du haut de mes trois pommes et demi, cela me crevait les yeux. Te souviens-tu pourtant comment on n’arrêtait pas de l’embêter. « Il n’y en avait pas un pour rattraper l’autre » m’a-t-elle confié il y a quelques mois. Je ne me rendais pas compte à ce moment là à quel point nous pouvions être durs. Moi je te suivais. Partout où tu allais, j’allais. Si tu criais, je criais, si tu tombais je... je riais ! Tu étais mon modèle, le seul homme de ma vie à cette époque puisque papa nous avais abandonné. Et puis… Et puis tu as fini toi aussi, par m’abandonner. Je ne te jette pas la pierre, loin de là. Je ne suis pas idiote, je sais que tu n’y es pour rien, que tu n’as pas voulu ça, que tu n’as rien décidé. Mais n’empêche que tu m’as abandonné. Tu m’as abandonné dès le premier rail de coke que tu as sniffé. Tu avais alors seize ans. J’en avais douze et sans que je puisse t’en empêcher, je t’ai regardé partir. Partir à la dérive. Au fond du gouffre. Tu tombais et moi… moi je ne riais plus.

Maman ne l’a pas vu arriver. Trop occupée à cumuler les boulots pour qu’on puisse manger à notre faim depuis le départ de papa. Papa. Nous ne l’avons jamais revu tu sais. Jamais. Encore aujourd’hui, j’ignore où est-ce qu’il est, ce qu’il fait. J’imagine qu’il a refait sa vie, dans une autre ville, avec une autre femme… d’autres enfants. Et après tout je m’en fiche… Enfin, c’est ce que je répète à tout le monde… mais il est bien évident que non. Quand c’est toi qui es parti… c’est moi qui ai serré maman dans mes bras. Je pleurai autant qu’elle ce jour là. J’avais quatroze ans. Jade en avait dix. Notre père était parti et notre frère venait de mourir d’une overdose. Autant te dire qu’à l’école on faisait un peu tâche.

Son stylo se stoppa soudainement. Sa mâchoire crispée, elle porta une de ses mains à son cœur. Il tambourinait dans sa poitrine à une vitesse affolante comme si il allait exploser. Ce dont elle avait d’ailleurs l’impression. Pendant quelques secondes, elle resta immobile, soufflant doucement afin de faire partir cette douleur. Cette douleur qui la prenait nuit et jour, à n’importe quel moment de la journée. Et cela depuis plusieurs années maintenant. Après presque une minute d’immobilisation, la jolie blonde se leva. Tant la douleur était insupportable, une petite larme apparu au coin de ses yeux. Une seule. L’unique qu’elle s’autorisait lorsqu’elle était seule. Traversant le petit salon, elle se rendit jusqu’à la cuisine et sortit un petit flacon d’un placard. Sans réfléchir, elle avala un cachet, accompagné d’un grand verre d’eau. La douleur disparue rapidement, la soulageant. Oui, mais pour combien de temps ? Alyssia reprit ensuite sa place dans le canapé, attrapa feuille et stylo et reprit là où elle s’était arrêté.

Peu de temps après ton départ, maman a pris une décision importante. Nous allions déménager. Au revoir Austin, elle voulait retourner à Midland, sa ville natale. Te souviens-tu de ces petites étoiles qui illuminaient ses yeux lorsque maman nous parlait de son enfance… ? Mais si, voyons, fais un effort Bowie, je suis certaine que tu peux encore revoir ses yeux briller. Quand maman m’a annoncé ça, tu te doute bien que j’ai flippé. J’ai pleuré. J’ai hurlé. Après avoir perdu mon frère, j’allais perdre mes amis, mon école, mes repères. Mais à peine une semaine après être arrivée au là bas, mon discours n’était plus le même. Très vite, je me suis habituée à cette petite ville et à ces habitants tous plus dingues les uns que les autres. Par moments j’avais l’impression de t’apercevoir à un coin de rue et cela me décrochait un petit sourire.
C’est quelques mois après notre arrivée à Midland que j’ai appris que j’étais malade. Cela a commencé doucement. Quelques bleus par-ci par là, souvent sans que je n’ai eu à me cogner. Maman me disait de faire plus attention. Puis ça été les saignements de nez. Au moins une fois par jour, parfois en pleine nuit. Là, elle a commencé à s’inquiéter. Pas moi. Moi, je continuais de vivre ma petite vie d’adolescente en pleine crise. On se disputait souvent. Je refusais d’aller chez le médecin. Et puis, j’ai commencé à être fatiguée. Mais pas le genre de petite fatigue comme après une nuit blanche. Non. Là, c’était plutôt le « je dors plus de dix heures par nuits, et je suis encore fatiguée. » J’étais pâle. Même mes amis voyaient que quelque chose clochait. En fait, j’étais la seule à dire que tout allait bien. C’est après être tombée inconsciente en cours de gym et avoir terminé la journée aux urgences que j’ai bien voulu faire des examens. Le diagnostic ne fut pas long à tombé. J’avais une leucémie. Un cancer du sang, comme on dit populairement. Concrètement, mon sang n’avait pas tout ce dont il avait besoin. Les cellules se détruisaient toutes seules. S’ensuivit cures de chimiothérapie, radiothérapie. Puis vint la greffe de moelle osseuse. Les médecins me disaient condamnée. Maman pleurait. Elle disait que le bon Dieu se foutait de sa gueule. Et pourtant, tu vois. Je suis encore là. Je suis en rémission. Depuis plus de cinq ans maintenant. C'est-à-dire que la maladie est atténuée. Peut-être me laissera-t-elle tranquille pendant longtemps. Pour toujours. Ou peut-être que aujourd’hui, demain, dans un mois, elle reviendra à la charge.
Mais tu sais, je ne vois pas que du négatif dans toute cette histoire. Non. Avec ton départ et la maladie, j’ai ouvert les yeux sur la vie et le sens que nous pouvions lui donner. Depuis que je suis guérie, j’essaie de vivre à fond. De faire tout ce dont j’ai envie. De manger dix pains au chocolat si je veux, de danser et de chanter quand j’en ai envie. Je veux profiter de la vie. Voir du monde. Voir le Monde. Je ne sais pas si je pourrais le faire encore longtemps, alors j’essaie d’être heureuse, cette peur continuellement au ventre, certes. Je le fais pour moi. Pour toi aussi, qui n’a pas eu la chance de continuer. Quasiment personne n’est au courant de ça. Seules deux ou trois copines que je connais depuis longtemps. Les personnes que j’ai rencontrées ces trois dernières années ne sont au courant en rien, et je ne veux pas qu’ils le sachent. Je refuse de voir de la pitié s’installer sur leurs visages. D’après les médecins, la maladie a abimé mon cœur. Il s’emballe souvent, me tordant de douleur. J’essaie de ne rien laisser paraître. Ni à maman, ni à personne. J’ai un cachet à prendre tous les matins et à chaque fois que je ressens la douleur. Ca va, comparé à la chimiothérapie, je peux dire que ce n’est pas trop contraignant.


Il y a trois ans, maman s’est remariée. Elle était belle, et elle souriait. Je crois que c’était la première fois qu’elle était heureuse. Enfin, elle naviguait sur le bateau du bonheur. Moi, j’ai eu mon diplôme au lycée. Jade va bientôt l’avoir elle aussi. A dix-huit ans, je suis entrée à l’université. Je suis, depuis quatres ans maintenant des cours d’art de la photographie. Et j’habite à Albuquerque, au nouveau Mexique. Je rentre souvent à Midlands, mais je ne m’en fais pas trop pour maman, ni pour Jade. Je joue toujours du piano et de la guitare. Je chante parfois. Bref, tout va plutôt bien en fait. J’ai 22 ans maintenant. Si tu étais toujours de ce monde, tu en aurais 26. 26 ans !. Je t’imagine beau, la peau légèrement bronzé, et ton regard de fou. Tu aurais certainement plu à mes copines, j’en suis certaine. Et gentil comme tu l’aurais été, elles n’auraient fait qu’une seule bouchée de toi…
Cela fait maintenant 8 ans que tu n’es plus là. La vie a été dure sans toi. Tu me manque toujours, et je peux te promettre que jamais je ne t’oublierais. Je me suis habituée à ton absence. C’est bête à le dire mais parfois, j’ai l’impression que tu me manque un peu moins. Loin de moi l’idée de te remplacer pourtant, car je sais que jamais je ne pourrais trouver un frère comme toi. Nous avons vécu trop de choses ensemble pour que quelqu’un prenne ta place dans mon cœur. Aujourd’hui, j’ai décidé d’arrêter de t’écrire. Maman m’a dit que c’était ridicule. Qu’on n’écrivait pas de lettres à quelqu’un de mort puisque l’adresse du paradis était inconnue. Mais surtout parce qu’il fallait que j’arrête mes sottises et qu’enfin, j’accepte que tu ne sois plus près de nous. Alors je vais suivre ses conseils. Cette lettre est la dernière que je t’écrirai. Et comme à chaque fois, je la glisserai dans la petite boîte à chaussures sous mon lit, entre les centaines de lettres qui s’y trouvent déjà et qui te sont toutes destinées. Bowie, quoi qu’il arrive, n’ait pas peur. Car d’où que je sois et où que tu sois, sache que jamais je ne cesserais de penser à toi.

Aly.

Holla chers membres de SLY ! Alors, moi c'est Marion alias Feeniante (mais je ne suis ni une fée, ni feignante !), j'aurai 21 ans dans exactement 5 jours (le 8juin, oubliez pas hihihi). Je suis étudiante infirmière en 3ème et dernière année, si j'ai pas mon diplôme en novembre, je pleure !!! Sinon je vis en France, en région parisienne, j'ai un chat, un chéri, des parents, un frère... des amis aussi (si si je vous jure.) et pour finir, j'ai hâte de RP avec vouuuus