«
Seigneur, bénis ce repas et tous ceux qui l'on préparé, donne du pain à ceux qui n'en ont pas. Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, Amen. »
Les mains jointes, la tête baissée, ma mère et moi écoutions en silence, remuant les lèvres pour faire mine de connaitre les paroles. Nous étions là, à remercier un homme qui n'existait pas, de nous donner à bouffer. Ironie de l'histoire, en l'occurrence, la bouffe, c'était ma mère et moi qui l'avions faite. Tout ce que mon père faisait c'était bénir chaque ingrédient d'une prière satanique à mes yeux.. Il a toujours rien fait dans cette maison et si elle est partie en couille, c'est de sa faute. Il préférait prier ce putain de Dieu au lieu de s'occuper de sa femme et de son enfant. Ce qui partait d'une bonne intention pour se repentir est devenu une obsession. Il dormait avec la religion, parlait avec la religion, mangeait avec la religion et aimait la religion. Oui, la seule et unique chose qu'il aimait c'était cette putain de religion. Et grâce à elle je suis baptisée et tatouée, une croix dans le creux de mon pied. Obligation d'un père croyant devenu fou. Nous étions donc là, assis autour de ce diner et comme chaque soir, les discutions étaient menées par mon père. Je vous laisse deviner de quoi on parlait ? « Et donc hier, père Romuald a dit à ... » « J'suis enceinte! » « ... père Frédéric qu'il ne voulait pas manger du pain non bénit alors vous imaginez qu'une polémique a finalement éclaté. » Tout était faux. Je n'étais pas enceinte, je voulais simplement qu'on m'accorde un peu d'importance mais, même ma mère tombait petit à petit dans le piège qu'il nous tendait. J'avais beau crier, hurler, taper des pieds, mes larmes ne cessaient jamais de couler et personne n'était là pour les sécher. Je ne savais même plus ce qu'être chez soi voulait dire. Ma famille devenait fausse guidée par un Jésus qui n'était pas foutu de me rendre heureuse.
La tête balancée vers l'arrière, je ne pu m'empêcher d'essuyer une larme du dos de la main. Mon maquillage avait coulé, mes yeux étaient cernés de noir et instinctivement, alors que mes parents parlaient, je sortis une clope du fond de ma poche. A moitié entamée, je la fourrai entre mes lèvres et l'allumai à l'aide du chandelier. Ma chaise fit un bruit monstrueux alors que je la jetai sur le sol et m'en allais.
La porte claqua dans le silence alors qu'en passant devant la fenêtre j'observai mes parents parler. Ils s'en foutait. Comme deux cons incapable d'être de bons parents. D'un pas décidé je me mis en marche en direction de cette maison que je connaissais si bien. La fumée blanche transperçait la nuit noir de son souffle cruel. Sa maison était noir, la porte était rouge, une sonnettes trônait en son milieu, d'une main faible j'appuyais dessus. Driiiiiiiiing, driiiiiiiiiing. L'attente était longue, j'avais envie d'oublier ma putain de vie le temps d'être entre ces jambes, de me sentir aimée. La tête blonde de Jason affichait un large sourire alors que je poussais la porte, l'embrassant sans m'arrêter. «
Baises-moi et tais toi. » C'était comme ça, je me m'étais à lui faire l'amour, il prenait du plaisir et moi j'oubliais pendant un quart de seconde mon manque cruel d'amour. Je ne voulais pas aimer, je voulais qu'on m'aime.
It was all.
«
Esther, aimes moi ! »
Un sourire aux lèvres, un clignement d'œil, je daignais me poser à ses côtés. Une cigarette dans la bouche, mes yeux bleus perçant affichant un regard narquois. Ma main droite vint se poser sur sa cuisse que je me mis à caresser alors que de l'autre main je tirai sur ma clope. «
Je vais te briser le cœur. » Les paroles claquèrent dans le silence qui venait des s'installer. Mes lèvres firent une petite moue alors que je laissai échapper un clin d'œil. Il était le troisième con à me déclarer sa flamme dans le mois. J'aimais ça, tout le monde m'aimait. Personne n'échappait à Esther Skyrah. Les lèvres du jeune garçon s'approchèrent de moi alors que d'une main j'enlaçai son cou. Nos lèvres s'entremêlèrent avant qu'il ne se retire aussi tôt, gâchant le moment. Fuck. Il n'abandonnait pas. «
Tu n'as rien ressenti ? Même pas un petit pincement au cœur ? » Un large sourire étira mon visage alors que j'inclinai la tête, les yeux plongé dans les siens. «
Mon cœur ne ressent rien, personne ne me le brise et personne ne me fait ressentir quelque chose. » Je tirai une nouvelle bouffée de cigarette avant de me lever. Une bise claqua sur la joue du garçon alors que je m'éloignai, l'air s'infiltrant dans mes bas résilles me faisant frissonner. «
Estheeeeeeer! » Le cri du jeune garçon retentit dans la rue alors que mes pas s'accéléraient. Petit à petit la voix s'atténua, laissant entendre quelques sanglots. De la pointe de mon couteau suisse, je traçai un trait sur mon poignet gauche. Un cœur brisé, un. Le sang se mit à couler sur les pavés alors que de ma langue j'épongeai, empêchant le liquide rouge de me salir. Un sourire niais s'afficha sur mon visage alors que du bout des doigts j'effleurais chaque coupure que je m'était faite. Douze. Douze traits. Douze cœurs. Milles morceaux.
«
Passes moi la pilule. »
Les yeux fermés, tu regardes le plafond, tu te met à imaginer des formes bizarre qui vienne embrouiller ton cerveau. Et puis l'effet passe et t'as carrément envie de recommencer, alors tu reprends un peu de ton joint pour sentir encore une fois la fumée s'engouffrer dans tes poumons. Et puis quand l'effet s'estompe, t'as envie de plus, toujours plus. Un p'tit con a inventé les pilules magiques. Ce truc c'est juste de la tuerie à lui tout seul. Tu le laisses fondre sur ta langue pâteuse dû au joint et tu fermes les yeux. Le temps passe lentement et quand tes paupières daignent s'ouvrir, tu ne sais plus qui t'es. Ton regard tourne et tu te demandes qui est ce con à tes côtés. Et puis tu ris, ce rire fort de la fille défoncée. Je connais par cœur ce mécanisme. Chaque soir c'est la même chose, je me retrouve dans les bras d'un gars que je ne connais pas et aujourd'hui n'échappe pas à la règle. Je suis comme ça, j'ai beau vouloir de tout mon cœur décrocher, chaque soir, lorsque mon père engueule ma mère, que je dois faire une nouvelle entaille sur mon bras, je me retrouve là. Un joint entre les lèvres et une pilule dans la bouche. J'ai n'ai jamais voulu être une fille normale. Je serais toujours la salope éduquée par Dieu qui pour se venger de son père trop religieux baise avec tout ce qui bouge. La fille qui n'a pas de cœur et dit toujours que personne ne brise son cœur. Celle sur qui on parle en la traitant de pute. Je viens de me faire toucher le sein gauche. Je ne réagis pas. C'est plus qu'une habitude, c'est la routine. Les hommes sont sous mon charme, personne n'ose me résister. Personne ne résiste aux magnifiques yeux bleus d'Esther et a ses taches de rousseurs. C'est comme ça. Des hommes sont fait pour être fidèle, d'autres font tout pour l'être et certains le sont pas. Moi j'me choppe tout et je brise des couples. Mes amis je les garde deux ans si j'ai de la chance avant de les baiser ou de détruire leur couple. J'suis comme ça. Et merde.
La musique rythme chacun de mes mouvements, des perles de sueurs coulent le long de mon dos et mes cheveux sont trempés. Je vend du rêve à moi toute seul. Esther et ses bas, Esther et sa guêpière. La tête balancée vers l'arrière, les yeux fermés, je bouge mon corps comme une putain de possédée. Les fesses monopolisées par des mains inconnues, je ne cesse de me déhancher. Un verre à la main, je prend une nouvelle gorgée de la boisson pétillante avant de la reposer sur le plateau. Je me fais bousculer, je continue de danser à mesure que j'avance. Table numéro six. Comme d'habitude c'est une table remplie de mecs et mon décolleté plongeant ne fait que les exciter comme des vulgaires chiens. Je leur fais un simple clin d'œil, pose les boissons et m'en vais sous leurs sifflements pervers. Et je fais le chemin inverse, le plateau sous le bras, je me remet à danser. Mon patron me regarde de haut en bas alors que j'arrive vers lui, essoufflée. «
On s'est plaint de toi » qu'il me dit. Je sais très bien de qui il parle. Ces connards de la table cinq. Ceux qui m'ont prit pour une putain de pute. Oui, je baise, oui, je me laisse toucher par des inconnus, mais me traiter de pute alors que je travaille en tant que serveuse, ça non. «
Ils ont voulu m'baiser » que je lui répond en le dévisageant de haut en bas. «
Je t'ai dit quoi à propos de ça ? Pas de réponses et tu t'en vas ! Pigé ? C'est la dernière fois que tu réponds aux clients Esther où je te met à la porte ! » Je lui aurais bien répondu, oh oui, mais ce boulot c'est tout ce qu'il me reste. Pour ma mère je suis une putain de bonne élève, à l'université avec un job de serveuse pour financer le tout. Ça va faire deux ans que je suis partie de mon Irlande natale et j'ai de la peine à vivre, je l'avoue. Je suis dans un appart' miteux en plein centre de la ville et mon seul gagne pain est ce boulot pourri. Mon regard revient vers mon patron et je baisse les yeux. Tout recommence mais je me tais. Ce soir je me fumerais un joint et j'oublierais que ma vie est de la merde.