« Il vous est déjà arrivé d’avoir envie de mourir ? » Je ne savais pas très bien ce que je faisais là, ni pourquoi j’étais venue au final. Deux ans que je suivais une thérapie qui n’en finissait plus et au fond de moi, j’avais toujours ce sentiment d’inachevé, comme si ma vie ne devait pas s’arrêter là. « Non, jamais. J’aime beaucoup trop la vie pour ça. » Il acquiesça, sans aucun mot. Depuis le début, il notait des tonnes de choses sur un bout de papier. Combien de fois avais-je essayé de lire au juste ? Combien m’avait-il pris de lui retirer cette feuille des mains, de l’arracher et de sortir de son bureau avec un sourire machiavélique sur le visage, ravie aussi d’avoir eu le courage de faire une chose pareille. Mais je ne suis ni machiavélique, ni courageuse. C’est effectivement un problème. Il patienta un instant, me scruta des yeux puis reprit, finalement. J’avais cru mourir étouffé par ce silence insupportable. « La perte de vos parents n’a eu donc aucun effet sur vous. » Aurais-je du en souffrir ? Devrais-je seulement me souvenir de leurs visages lorsque toute ma vie, on m’a empêché de regarder ne serait-ce qu’une seule photo d’eux. Depuis très jeune, trop jeune, je vivais chez ma grand-mère qui avait, certes, fait de moi une jeune femme indépendante, mais qui m’avait aussi empêché de vivre concrètement ; comme les autres adolescentes de mon âge. Pas de petit ami avant dix-huit ans, pas de sortie avant dix-neuf et depuis que je suis sortie du lycée, je crois que tout c’est un peu amplifié. « Je ne me souviens pas de leur mort, alors encore moins de leurs visages. » Je me sentais affreuse de dire une chose pareille. Une fois de plus, il hocha la tête me laissant dès lors avec mes propres doutes. Suis-je devenue un monstre au gré d’une femme qui faisait de moi sa seconde fille ? « Vous vivez donc avec votre grand-mère ? » Cette fois-ci, c’était à moi de hocher la tête. Non, je ne vivais plus avec elle. La malheureuse s’est éteinte à cause de la vieillesse il y a un an. Aussi, d’une certaine manière, je crois que la pauvre n’a pas supporté mon mariage précipité et mon divorce qui s’est avéré être tout aussi rapide. Je soupirai, las de cette conversation qui ne menait à rien. « Non, plus maintenant. Elle est décédée depuis un an maintenant. » « Donc, vous vivez seule ? » On On peut dire les choses ainsi. Seule, ce serait un bien grand mot. Le chat me tient compagnie. Snoopy, comme je l’ai appelé. Ce serait davantage un nom de chien mais comme le dessin animé m’a toujours plu et que je n’ai jamais apprécié les chiens, je n’ai pas eu d’autres choix que de lui donner ce nom là. Croyez-moi, elle s’y fait. « Oui, seule. » Je jetai un coup d’œil à ma montre. Encore deux minutes et je pourrais sortir de cet interminable cabinet dont j’avais horreur. « Hum. » De mes doigts, je tapai légèrement contre l’accoudoir du canapé dans l’attente d’une parole de plus. Heureusement, celle-ci vint. « Je pense que nous n’avons plus besoin de nous voir désormais. Vous avez fais d’énormes progrès en deux ans et je pense qu’il est temps pour vous de voler de vos propres ailes, sans soutient derrière. Par contre, si vous rencontrez un souci quelconque, que vous hésitez à prendre telle ou telle décision ou encore, si vous ressentez cet étouffement, je vous laisse ma carte pour que vous puissiez me contacter. Je vous souhaite beaucoup de courage mademoiselle Fitzpatrick. » Je le gratifiai d’un signe de politesse, d’un merci qui ne se voulait guère expressif. En lui serrant la main, je me rendais compte que je laissais derrière moi, deux ans d’existence. Une autre barrière à franchir et je serais dans un autre monde ; celui que j’ai toujours désiré. Alors finalement, je me surpris entrain de sourire. Une fois la porte passée, plus rien ne semblait pouvoir m’atteindre.

Olivia. Comme quoi quand on parle d'écrire ensemble...
Bienvenue du coup. (:

Bienvenue et bonne chance pour la suite de ta fiche.