«
Quoi ? » Antwan venait de relever son regard, sentant qu'on l'observait. En effet, la jolie blonde le fixait depuis quelques instants déjà, s'amusant à le détailler en imprimant au passage la moindre de ses expressions dans sa mémoire. «
Rien, rien... » Cette réponse ne sembla pas le satisfaire, puisqu'il se redressa légèrement et laissa échapper un soupire. «
Dis-moi... Pourquoi tu me regardes comme ça ? » Méfiant... C'est dingue comme Antwan pouvait l'être. Il en devenait même mystérieux et intriguant. Plus il était sur la défensive, et plus Sarah avait envie d'en découvrir davantage, de creuser un peu plus loin pour découvrir ce qui se cachait derrière cette carapace. Ça ne semblait pas être à son goût, mais elle s'en moquait bien. Têtue, elle ne lâchait que très rarement prise, et avec lui, elle était bien loin de le faire ! «
C'est interdit ? Je n'ai pas le droit de te regarder ? » Il secoua légèrement la tête, et elle lui offrit un magnifique sourire amusé, dans l'espoir de lui en décrocher un. Elle était persuadée qu'il n'était pas si froid et distant que ça en réalité. Elle voulait vraiment le croire et faisait son possible pour briser la glace. Car mine de rien, elle s'attachait de plus en plus à lui... «
Je n'ai pas dit ça... Je... » Il s'était stoppé dans son élan, fixant quelque chose qui se trouvait derrière la belle. Il en vint même à froncer les sourcils, forçant la jeune femme à se retourner, sa curiosité ayant été piquée à vif. Un homme, accoudé au comptoir, l'observait avec un sourire en coin. Sarah ne s'y attarda pas, reportant son attention sur son rendez-vous... Mais lui, ne décrochait pas. «
Antwan ? » Ailleurs, il semblait bloqué sur ce mec, et c'était bien loin de lui plaire. Cela pouvait presque se lire sur son visage... «
Oh, Monsieur le jaloux ? Je suis là ! » Ça n'était pas la première fois qu'il lui faisait le coup, à croire qu'il cherchait à faire exprès, souhaitant trouver n'importe quel prétexte pour réagir ainsi, et titiller les nerfs de la demoiselle. Plus d'une femme s'en serait agacée, s'éloignant davantage de lui par crainte d'être littéralement étouffer par un tel comportement. Sarah, elle, s'en amusait plus qu'autre chose. C'était loin de lui faire peur ! Bien décidée à être au centre de son attention, elle se rapprocha de la table et se plaça bien en face de lui, le faisant revenir à la réalité. «
Tant que moi je ne le regarde pas, on s'en moque ! » -lança-t-elle, comme pour mettre les choses au clair. C'était tout Sarah, ça ! Franche, elle faisait toujours comprendre ce qu'elle voulait. En l'occurrence, c'était lui ce soir-là...
«
...Sur ma vie ? » - s'étonna alors Sarah, tout en fixant la femme qui lui faisait face, assise derrière ce grand bureau en bois. En guise de réponse, elle n'eut droit qu'à un sourire en coin, presque forcé. A se demander si cet entretien démarrait bien, ou non... Elle se frotta nerveusement les mains, puis ne pu que s'éclaircir la voix pour grappiller quelques secondes. «
En quoi cela va-t-il... » La directrice fit claquer sa langue contre son palet à plusieurs reprises, la stoppant dans son élan. «
Vous vous posez bien trop de questions... Contentez-vous de répondre, spontanément... » Afficher un sourire et paraître détendue était quelque chose de facile. A vrai dire, Sarah étant un véritable petit rayon de soleil au simple travers de son sourire, on pouvait imaginer que jamais le stress et l'appréhension ne pouvaient l'atteindre. Or, c'était faux. Pour cet entretien d'embauche, la belle pouvait pratiquement palper l'angoisse qui s'était emparée d'elle en l'espace de trois secondes et demi. Son éventuelle future patronne désirait en savoir plus sur elle, sur son histoire, son passé, son expérience. Soit... Sarah ne voyait pas en quoi cela influencerait sa candidature. Avoir été élevée par une nourrice plutôt que ses propres parents allait la désavantager ? Elle espérait bien que non. Car il fallait remonter aussi loin que son enfance pour satisfaire la curiosité de la rédactrice en chef. Depuis quand recrute-t-on une chroniqueuse pour un magazine comme un psychologue entamerait une thérapie avec un nouveau patient ? Mais bien décidée à décrocher ce job, Sarah se lança dans un court récit de son existence. En même temps, il n'y avait pas grand chose à dire... Née au sein d'une famille bien plus qu'aisée, elle n'avait jamais manqué de rien. Petite princesse d'un couple trop occupé et donc très souvent absent, elle avait eu pour habitude d'obtenir ce qu'elle désirait à l'aide d'une petite mine déçue et attristée. Bien évidemment, elle prit soin de préciser qu'avec le temps, en grandissant, elle avait fini par apprendre que tout ne lui était pas dû et que parfois il fallait faire ses preuves et mérité l'objet tant convoité. Elle en savait quelque chose, encore aujourd'hui. Se payer des fringues demandait un salaire, et qui disait salaire sous-entendait travail. Elle ne se trouvait pas dans ce bureau par hasard. Finalement, parler de son passé lui permettait de mettre en avant quelques points de caractère, comme son dynamisme, sa vivacité d'esprit, mais aussi son sens des responsabilité, de l'engagement, sans oublier sa bonne humeur qui semblait être selon elle un point essentiel pour une agréable entente au travail... On l'écoutait avec attention, prenant quelques notes sur le bas du c.v qu'elle lui avait précédemment donné. Il ne fallait surtout pas se démonter et poursuivre l'entretien comme si de rien était. Se montrer ouverte, s'exprimer avec élégance, faire preuve de professionnalisme même lorsque la conversation semblait prendre de toutes autres allures. Elle devait tenir bon jusqu'à la fin de l'entretien. Courage...
«
...Très bien, merci... Merci beaucoup ! A lundi. Au revoir. » A peine le téléphone fut-il raccorché que Sarah laissa échapper un cri de joie. Un large sourire était collé sur ses lèvres rosées. La jeune femme ne tenait plus en place, elle semblait comme surexcitée, sautillant sur place. Le portable fit d'ailleurs un vol plané jusqu'au sofa tant elle gigotait, telle une enfant à qui on avait promis une rencontre avec Minnie et Mickey après un tour de manège à DisneyLand. Oh oui, c'était son tour de montagne russe qu'on venait de lui offrir ! «
Qu'est-ce qu'il y a ? » -demanda alors Antwan, un peu surpris de la voir dans cet état de si bonne heure. «
Je l'ai eu ! Je l'ai eu ! » Excitée, elle l'était bel et bien, face au regard amusé du beau métisse. Il attendait la suite, souhaitant comprendre ce qu'elle racontait. En tout cas, cela lui faisait visiblement très plaisir. La nouvelle avait illuminé sa journée. «
Le job, je suis prise ! » Elle n'en revenait pas elle-même, entendant encore la voix de sa nouvelle patronne résonner dans sa tête. C'était juste... Énorme ! Désormais bien réveillée et plus qu'en forme, elle ne perdit pas de temps pour se rapprocher d'Antwan, se jetant presque dans ses bras. «
Hey, mais c'est super ça... » -répliqua le jeune homme, une fois la blondinette littéralement pendue à son cou. Sarah lui vola un baiser au passage, et le laissa alors respirer en se reculant un peu. Elle était tellement contente, que tout le monde en profitait. A peine levée -réveillée par la sonnerie de son mobile- qu'on lui annonçait déjà de très bonnes nouvelles. Une femme comblée ? Presque... Elle ne pouvait pas le nier, elle était heureuse. Réellement. Mais porter une bague, symbole d'un engagement et de profonds sentiments, ça pouvait toujours être un petit plus, non ? Enfin ça, elle le gardait sagement pour elle, connaissant très bien son compagnon et se doutant qu'il fallait lui laisser le temps dont il avait besoin. Forcer la main n'était pas dans ses habitudes, surtout que cela demeurait de l'ordre du détail, et qu'elle avait le nécessaire à son bonheur.